Marchand, optométristes de pères en fils

Par Isabelle Boin-Serveau

La lignée Marchand s’étale sur deux siècles de présence experte en optique. De l’ancêtre Jean-Raymond jusqu’à la relève du petit-fils Frédéric, il y aura eu l’expansion de l’héritage entrepreneurial menée de la main du fils René. Trois générations d’hommes inspirés par l’ambition de soigner et de réussir. Preuve que lorsque les aspirations économiques s’accordent aux idéaux, les entreprises familiales se conservent et progressent.

C’est dans un Montréal du début du XXe siècle, considéré comme LE centre économique du Dominion canadien, que l’on retrace la famille Marchand. Le père de Jean-Raymond Marchand y pratique l’art de la fourrure. Son fils ne se tournera pourtant pas vers cette activité, car le hasard a placé sur son chemin un beau-frère, étudiant en optométrie à l’Université de Montréal. Ce dernier sera convaincant puisque J.-Raymond Marchand fera partie, en 1925, des premières cohortes d’« opticiens-optométristes » au Québec.

Fondation à Québec
J.-Raymond Marchand ne restera pas dans la métropole et s’installera à Québec d’où est originaire sa future épouse, une Rochette, fille d’épiciers et de propriétaires agricoles dans le Ste-Foy très rural d’alors. Mais c’est sur la « Broadway de Québec », bordée de boutiques aux vitrines illuminées (rue Saint-Joseph dans le quartier St-Roch), qu’il ouvrira sa première boutique en 1926. Les affaires vont très bien et l’optométriste noue des contacts fructueux avec les gens d’affaires de la ville. Il figurera parmi la cinquantaine d’audacieux commerçants à ouvrir, en 1961, un bureau à l’intérieur du premier centre commercial couvert construit au Québec, Place Laurier. Son petit-fils Frédéric mesure aujourd’hui non sans fierté la témérité dont a dû faire preuve son aïeul : « Il a osé s’installer dans un centre commercial qui était un concept inédit à l’époque mais dont il pressentait tout le potentiel. » Le centre commercial, aujourd’hui haut lieu de magasinage, était érigé sur un espace laissé vacant par l’aérodrome relocalisé à L’Ancienne-Lorette. C’était aussi pour lui une façon de se rapprocher de Ste-Foy où il vivait en compagnie de sa famille composée de huit enfants.

Le sixième de cette fratrie, René, sera le seul à suivre la voie tracée par J.-Raymond Marchand. « Après mon cours classique, je me suis dirigé naturellement vers les sciences de la santé qui m’intéressaient particulièrement. Plusieurs membres de notre famille étaient médecins et je trouvais que la profession d’optométriste était propice à une belle vie sociale et familiale », avoue le deuxième optométriste de la lignée qui a aussi hérité de la fibre entrepreneuriale. René Marchand obtient son diplôme en 1970, l’année même où son père, âgé dans la soixantaine, décède soudainement.

L’expansion : œuvre de René
René Marchand, qui prévoyait s’installer sur une terre du Charlevoix, fera contre mauvaise fortune bon cœur et achètera le bureau de la Place Laurier pour assurer aussitôt la relève. Ce sera pour lui l’occasion de laisser parler son talent inné pour les affaires. Une année plus tard, un nouvel optométriste viendra le seconder pour répondre à la demande croissante d’une population dont les services optiques sont désormais couverts par l’assurance maladie. En 1979, René Marchand double la superficie de son bureau. Il s’implique fortement dans l’Association des marchands du centre commercial et développe de précieux contacts d’affaires : « J’ai beaucoup appris auprès des commerçants locaux que nous fréquentions et j’ai pu acquérir ainsi des compétences en gestion. » Mais René Marchand explique également combien son épouse Carole, enseignante, a été d’un soutien inestimable aussi bien dans l’administration que dans tous les aspects de marketing. Il rappelle encore l’importance d’engager les bonnes personnes pour former une équipe performante. Mais l’optométriste n’aura pas de recette secrète à nous livrer. Il dévoilera tout simplement « qu’il faut avoir confiance en la nature humaine ».

René Marchand aura pourtant été un entrepreneur intrépide lorsqu’il ouvre dans les années 1970 un bureau place d’Youville qui ne répondra pas aux attentes et aux promesses des promoteurs de l’époque. « Lorsque l’on commet une erreur, il faut la corriger rapidement. J’ai aussitôt ouvert un autre bureau à St-Nicolas qui a très bien fonctionné », explique celui qui insufflera en 1983 un formidable élan à son entreprise en prenant le contrôle des neuf concessions québécoises de lunetterie Sears qui existaient à l’époque.

Continuité : le défi de Frédéric
René Marchand est toujours actif dans l’entreprise familiale, mais c’est sur son fils Frédéric que repose le futur. Après un bac en administration des affaires obtenu en 1996, ce dernier veut pousser plus loin son implication : « J’étais encore jeune et je voulais être un spécialiste du domaine pour bien gérer l’entreprise. J’ai constaté combien c’était un atout pour mon père d’être optométriste, alors je suis allé faire mon cours. Et plus j’avançais dans le programme, plus j’aimais ça. Aujourd’hui, je ne pourrai pas me passer de mes deux jours par semaine en tant qu’optométriste. J’aime aider les gens et avoir cette belle interaction avec eux. Cela me permet de demeurer connecté et de garder ma pratique à jour pour ne pas perdre la part d’intuition clinique… »

Depuis la venue de Frédéric Marchand dans la sphère dirigeante, l’entreprise s’est encore développée avec, en 2006, le Centre oculaire de Québec, initié en partenariat avec les ophtalmologistes. Il représente un parfait guichet unique de services optique facilitant l’accessibilité aux spécialistes de la vue. Mais c’est en 2007 que le groupe Marchand planifie l’achat des bureaux de l’opticienRichardGiguère. Un achat de 15 succursales qui sera concrétisé en 2009 et qui propulsera l’entreprise dans le rang des plus importants réseaux d’optique du Québec.

Trois ans après cette acquisition majeure, Frédéric Marchand se réjouit d’avoir orchestré cette opération : « La nouvelle bannière Marchand Giguère est maintenant reconnue et nous apprécions queRichardGiguère soit toujours bien impliqué dans notre entreprise. Il s’agissait pour nous d’offrir une complémentarité et de nous rapprocher des opticiens pour nous aider à offrir un meilleur service. Cette union s’est avérée très positive et l’année 2012 sera une année record à bien des égards. »

Dans l’avenir, Frédéric Marchand envisage de privilégier des modèles de partenariats ou d’associations avec des optométristes, comme c’est déjà le cas dans les cinq bureaux du nord de Montréal. Pour lui, il s’agit « de développer le réseau en fonction des opportunités qui vont se présenter, de poursuivre la croissance et d’investir dans les aménagements de bureaux. Notre philosophie demeure d’en donner le plus possible au client! »

Dernièrement, l’entreprise a ouvert un bureau Boutique Marchand dans le centre commercial Place Ste-Foy. Une boutique qui propose aux clients des montures exclusives et très haut de gamme. Clément Fages est l’opticien d’origine française qui supervise la boutique. « Il connaît parfaitement le créneau des très belles montures, les matériaux nobles et la fabrication des lunettes et des verres. Ici, mes parents connaissent tous les commerçants, qui sont des amis de longue date. Aujourd’hui, ce sont les groupes internationaux qui investissent les centres. La synergie de marchands locaux qui existait autrefois a un peu disparue… », précise le jeune homme d’affaires. René Marchand et son épouse Carole se sont donc fortement engagés dans une ouverture qui vient inscrire un fabuleux point d’orgue à leur aventure d’entrepreneurs.

Le groupe Marchand en chiffres

  • 24 bureaux Marchand-Giguère
  • 27 bureaux Lunetterie Sears
  • 1 Boutique Marchand
  • 1 centre oculaire multidisciplinaire avec une lunetterie à Québec (entre 20 et 25 ophtalmologistes)
  • 1 centre oculaire multidisciplinaire à Victoriaville (ouvert en 2012 avec 4 ophtalmologistes)
  • 1 centre multidisciplinaire à Lebourgneuf (optométristes et opticiens)
  • 1 centre multidisciplinaire dans l’édifice Delta de Ste-Foy (optométristes et opticiens)