L’organisation juridique d’une clinique d’optométrie

Hugo et Jade, fraîchement émoulus de l’Université et résolument désireux de commencer leur carrière d’optométristes du bon pied, ont décidé de s’associer afin d’exercer, ensemble, la profession qui les amènera au firmament de la réussite, où vivent les biens nantis et les gens heureux. Après leur adhésion à l’ordre professionnel, première bonne décision, ils prirent rendez-vous avec Me Leborgne afin d’obtenir les conseils judicieux qui leur permettront de naviguer à travers les pièges et les méandres auxquels sont confrontés fréquemment les gens d’affaires.

« Sous quelle forme légale désirez-vous opérer votre clinique? » fut la première question posée par l’avocat.  Interloqués, Hugo et Jade se regardèrent.  Prenant son courage d’une main et repoussant son amour-propre de l’autre, de répliquer sentencieusement Hugo : « Il y en a plusieurs?». « Oui », répond Me Leborgne. « Il y en a plusieurs, mais principalement trois qui me semble le plus appropriée pour votre type de pratique.  Dans un premier temps, il existe la société en nom collectif, où vous partagerez la raison sociale, ou, si vous aimez mieux, le nom de votre clinique, les locaux, ainsi que les dépenses d’exploitation. Les revenus seront partagés selon les termes du contrat de société que vous avez conclu. En cas de poursuite pour créances impayées, les biens de la société seront d’abord saisis avant les biens des associés. Cette société n’est pas une personne morale (communément appelée compagnie), mais en a plusieurs caractéristiques ». « Est-ce que cette société doit être constituée légalement? » questionna Jade, de façon appuyée. « Affirmatif », répondit Me Leborgne. « Ce type de société doit être immatriculé au Registre des entreprises du Québec et les participants doivent se prémunir d’un contrat de société afin de régir les droits et obligations de chacun dans la société ». « Et quel est l’avantage? » continua Jade. « En gros un associé ne pourra être tenu responsable sur ses biens personnels, pour une faute professionnelle commise par l’autre associé.  Toutefois, les biens de la société pourront être saisis, même sur la part de l’associé non fautif », répondit Me Leborgne.

Me Leborgne continua en discutant de la société par actions. « La société par actions ou compagnie est une personne morale ayant une personnalité distincte de ses actionnaires, administrateurs et dirigeants. Elle détient un nom propre, des biens, des obligations, des droits et des responsabilités indépendantes de ses actionnaires, administrateurs et dirigeants, et doit également être immatriculée au Registre des Entreprises du Québec. » L’air songeur, Hugo regarda Jade et enchaina, « Si je comprends bien, cette société, à la différence de la société en nom collectif, sera donc totalement distincte de Jade et moi et nous détiendrons des actions de cette future compagnie afin de gérer nos affaires, au lieu d’un simple contrat entre les différents associés d’une société en nom collectif, c’est exact? ». « Exactement », répondit Me Leborgne, « et l’avantage particulier de ces entreprises est qu’elles sont malléables dans le temps et il y a plusieurs avantages fiscaux à ces entités, ce qui assure pour les actionnaires une tranquillité d’esprit ».

Jade et Hugo aimèrent beaucoup les explications de Me Leborgne et se sentirent dès la première rencontre en confiance avec ce dernier. Par contre, Jade désira poser une dernière question avant de quitter leur première rencontre. « Est-il possible que nous travaillions ensemble, Hugo et moi, sous un même nom, sans rien partager autre que les locaux ? » Me Leborgne sourit et lui expliqua qu’il est toujours possible pour des personnes de travailler sous une même raison sociale, tout en exerçant comme travailleur autonome ou sous la désignation d’entreprise individuelle. Ce type d’entreprise, reprit-il, est pertinent pour les professionnels qui désirent garder leur indépendance tout en profitant d’une publicité d’affaires commune. Chacun sera maitre de sa pratique. La principale incidence légale est que l’entreprise et l’individu ne font qu’un, les responsabilités et obligations étant alors partagées à 100 pour cent. Me Leborgne termina en expliquant que ce type d’entreprise est requis de s’immatriculer au Registre des entreprises du Québec seulement si le nom commercial utilisé ne comporte pas le nom et prénom de l’individu.

Après une poignée de main échangée, Jade et Hugo reprirent rendez-vous avec Me Leborgne afin de discuter plus spécifiquement de la société par actions puisque cette forme d’entreprise semble cadrer le plus avec leurs besoins professionnels.

Note : La société par actions constituée aux fins d’exercice d’une profession est régie et encadrée par les ordres professionnels. Il y a donc lieu de s’informer auprès de son ordre professionnel des limitations imposées.

Par Me Catherine Lamarche et Me Michel Trudeau