Embellir le regard avec le laser CO2

Par Dre Dominique Meyer

De tout temps, la beauté a toujours présenté une fascination pour l’être humain. L’esprit ayant souvent associé le beau et le bon, les belles personnes jouissent d’un préjugé favorable dans notre société. Évidemment, la beauté est éphémère dans la vie d’un individu. Aujourd’hui, pour pallier cette perte douloureuse et brutale inhérente au vieillissement, la chirurgie esthétique est considérée comme une solution.  

Autrefois taboue et réservée à une élite, cette chirurgie s’est considérablement démocratisée depuis une vingtaine d’années. Les cliniques de chirurgie esthétique ont largement profité de cet engouement exponentiel pour toutes les procédures de rajeunissement offertes. Pour plusieurs, une chirurgie esthétique ou une simple injection antirides est devenue une routine d’entretien de leur « véhicule » corporel, au même titre que le dentiste ou l’ostéopathe. On ne se cache plus pour consommer en esthétique, on s’encourage même entre copains et on consulte, la plupart du temps sur référence d’un ami.

La blépharophastie pour l’estime de soi 

Très souvent, lors de la consultation initiale, les patients me demandent si je pense qu’ils ont besoin d’une chirurgie des paupières. Je leur explique alors qu’en esthétique il n’y a aucun impératif qui nous incite à opérer et que leur vie n’est pas en danger. La seule raison d’opérer réside dans leur inconfort psychologique ressenti lorsqu’ils se regardent dans le miroir et que celui-ci renvoie une image qui les déçoit ou les chagrine. En esthétique, on ne soigne pas le corps, on soigne l’esprit et l’âme. J’insiste beaucoup sur cette notion puisque c’est finalement le patient qui fixera l’indication chirurgicale et non le chirurgien comme pour d’autres interventions.

Lorsque j’ai commencé ma pratique d’ophtalmologie il y a une vingtaine d’années, j’ai tout de suite offert un service en oculoplastie (blépharoplastie, ptoses, dacryocystorhinostomie, etc.) car ce domaine m’intéressait particulièrement. Mes collègues m’ont regardée alors avec scepticisme se demandant comment j’incorporerais ce volet dans ma pratique déjà surchargée de glaucomes et de cataractes. J’envisageais de consacrer environ 10 % du temps de ma pratique à ce volet et ce fut le cas pendant les cinq premières années. Je ne sais trop si c’est la progression de la réputation ou l’évolution de notre société, mais toujours est-il qu’à un certain moment, j’ai dû faire des choix devant l’explosion de la demande pour ce service. Aujourd’hui, la chirurgie esthétique des paupières occupe 50 % de ma pratique et je pourrais y consacrer toute ma pratique si ce n’était de ma passion encore vive pour la chirurgie intraoculaire.

Les formidables avantages du laser  

En 1996, j’ai fait l’acquisition de mon premier laser CO2 pour la chirurgie des paupières. Exit le bistouri conventionnel, vive la précision du laser! Encore aujourd’hui, peu de chirurgiens utilisent cette merveille de technologie en raison de son coût d’acquisition important ne se justifiant que si l’on effectue ce genre de chirurgie à haut volume. En effet, un plasticien n’opérant que quelques cas de paupières par mois à travers toutes les autres chirurgies n’en ressentira pas la même nécessité.

Le laser CO2 offre tout d’abord une sécurité accrue pour le patient et pour le chirurgien. Les saignements sont diminués d’au moins 80 %, ce qui réduit parallèlement les complications possibles de perte de vision (à la suite d’une compression du nerf optique consécutive à une hémorragie rétro-orbitaire) ou d’hématome postopératoire avec ecchymoses pouvant gêner socialement le patient pendant plus d’un mois. Avec le saignement mieux contrôlé, le chirurgien traumatise faiblement les tissus puisqu’il n’a pas besoin de cautériser ceux-ci pendant l’intervention. La conséquence première est qu’il y a moins d’œdème postopératoire en général.

Un autre avantage est la durée de l’intervention qui se trouve fortement raccourcie puisque le saignement n’est plus une entrave au progrès de la chirurgie. Conséquemment, moins de temps durera l’intervention, moins les risques d’infection seront importants. Également, la visualisation des tissus et différents plans demeure excellente pendant la durée de l’intervention, ce qui facilite grandement le travail du chirurgien.

Un acte sans hospitalisation 

Cette opération est pratiquée en chirurgie ambulatoire. Le patient arrive au bloc opératoire une heure avant l’intervention, on le prépare, on prend les photos et on pratique les dessins sur ses paupières. L’intervention se passe sous anesthésie locale avec sédation intraveineuse. À la fin de l’intervention, le patient est transféré dans une salle d’observation pour environ deux heures. Ensuite, on lui donne son congé et il peut quitter avec son accompagnateur. Le patient sera revu le lendemain et suivra ensuite une convalescence pouvant aller d’une à deux semaines. En tout temps, il peut nous rejoindre si une inquiétude surgit. Les points sont enlevés après une dizaine de jours, les activités de vie normale et le maquillage peuvent être repris à ce moment-là.

La chirurgie des paupières offre une gratification importante pour le patient et tout autant pour le chirurgien tant l’impact psychologique est positif. Le laser CO2 est sans contredit l’instrument de choix pour obtenir des résultats précis et constants, tout en diminuant au maximum les risques de complication inhérents à ce type de chirurgie.

Les enfants et leur vision

Par Barbara Pelletier, O.D.

Le retour à l’école implique que chaque année une ribambelle d’enfants vient nous visiter pour un examen de la vue avant de commencer la nouvelle année scolaire.  Nous avons (presque!) l’impression d’avoir une classe dans la salle d’attente. Il y a tant d’enfants à notre horaire que, parfois, nous croyons à nous seuls examiner tous les enfants d’une école entière!  Mais selon les statistiques, c’est loin d’en être le cas… En effet, un enfant sur quatre aura un désordre visuel qui affectera ses ambitions académiques, 16 % des enfants en bas de 6 ans ont déjà eu un examen de la vue, et seulement 50 % des enfants d’âge scolaire auront eu un examen de la vue avant la fin de leur secondaire.

Un examen de la vue incluant cycloplégie, phories, amplitudes fusionnelles, amplitude d’accommodation et tests plus poussés au besoin sont essentiels pour détecter des problèmes de vision binoculaire qui peuvent affecter l’apprentissage. Les troubles d’accommodation et de vergences sont souvent faciles à régler et peuvent faire toute la différence dans la vie scolaire d’un enfant. N’hésitez pas à référer en rééducation visuelle au besoin.

L’alimentation chez les plus jeunes

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les enfants sont très ouverts à manger santé dans la mesure où on leur explique pourquoi certains nutriments sont importants et dans quels aliments les trouver. Avec cette éducation de base, ils seront facilement enclins à demander à leurs parents de les ajouter au panier d’épicerie.

Une manière simple et facile d’aborder le sujet lors d’un examen de la vue est de leur demander s’ils connaissent un aliment bon pour leurs yeux. Généralement, ils répondent « les carottes »…  Et voilà la porte d’entrée pour leur parler des autres aliments bénéfiques à la vision:

  • les poissons d’eau froide comme les sardines, les maquereaux, la truite arc-en-ciel et le saumon sauvage;
  • les légumes à feuilles vertes tels que le chou vert frisé et les épinards;
  • les poivrons orange;
  • les jaunes d’œufs.

On ne manquera pas de leur souligner combien la malbouffe est tout aussi dommageable pour les yeux que pour le corps en général. Et si vous comprenez que votre jeune patient ne consomme pas assez de poissons d’eaux froides (et qu’il sera difficile de changer cela), n’hésitez pas à prescrire un supplément d’AEP-ADH :  600 à  1 000 mg seront de bonnes doses de départ. Selon Statistiques Canada, la moitié des enfants de 4 à 18 ans consomment moins que cinq portions de fruits et légumes par jour.[1] Comme il est plus facile d’augmenter la consommation de fruits et de légumes que celle des poissons, un supplément n’est généralement pas nécessaire.

Protection contre la radiation solaire

Si vous alliez faire un tour près d’une cour d’école à l’heure de la récréation, vous constateriez que la plupart des enfants ne portent pas de lunettes de soleil.  Par contre, ils se sont enduits de crème solaire avant de partir pour l’école ou avant de jouer à l’extérieur et portent probablement un chapeau.  Les parents et les enseignants ne sont pas suffisamment éduqués sur l’importance de la protection solaire pour les yeux de leurs enfants.  Pourtant, ces derniers sont les plus sensibles aux dommages causés par le soleil.

Il imcombe au professionel de la vue d’éduquer les enseignants, les parents et les enfants sur l’importance de la protection des yeux contre les rayons UV et les coups de soleil.  Il faut aussi éduquer les parents sur le choix des lunettes de soleil.  En effet, il est plus dommageable de porter des lunettes de soleil sans protection UV que de ne pas porter de lunettes de soleil du tout.  En tant que professionnels, nous le savons, mais ce n’est pas suffisant; il faut éduquer chaque patient sur ce fait. Une bonne manière d’aborder le sujet est de tester la transmission UV des lunettes solaires de vos patients et de les informer sur ce qu’il faut rechercher pour avoir une bonne protection.

Diffuser l’information

Cette année, à la rentrée, il peut être judicieux d’impliquer votre équipe pour éduquer chaque enfant, parent ou enseignant qui vient vous visiter sur l’importance des examens de la vue annuels pour prévenir les maladies oculaires, de la vision dans l’apprentissage, de la nutrition pour le fonctionnement de l’œil et du signal visuel, ainsi que de la protection solaire pour les yeux des enfants. Et le mieux serait encore de programmer des visites dans les écoles et de faire une présentation sur le sujet!


[1] http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/pdf2008/alimentation_jeunes.pdf

Le problème de la non-conformité

Par Shirley Ha, BSc. (Hons), O.D.
Traduction d’Edward Collister

Malgré une plus prise de conscience accrue des risques d’infections de l’œil dues aux procédures inappropriées d’entretien et de port des lentilles cornéennes, de nombreux consommateurs ne suivent toujours pas les recommandations relatives aux pratiques sécuritaires, émises par les fabricants ou les professionnels de la vue.

Une enquête de la University of Texas, réalisée auprès de 433 porteurs de lentilles cornéennes, a révélé que plus de 50 pour cent des participants pouvaient identifier les complications liées au port de lentilles cornéennes. Par contre, au niveau de l’application des pratiques sécuritaires, seulement 2 pour cent d’entre eux s’y conformaient « bien » alors qu’un seul les suivait « entièrement ». Par ailleurs, 85 pour cent des participants croyaient avoir des habitudes adéquates en ce qui a trait à la manipulation des lentilles et des étuis ainsi qu’à l’utilisation des solutions.[i]

Les comportements non-conformes identifiés sont :

  • La pratique de la natation (64 pour cent) et un contact avec l’eau du robinet, incluant la douche (57 pour cent), lors du port des lentilles;
  • Le port, pendant le sommeil, de lentilles non conçues pour un port continu (56 pour cent);
  • Le non-respect du temps de port recommandé (52 pour cent);
  • Le maniement de lentilles sans s’être lavé les mains au préalable (49 pour cent);
  • Le non-renouvellement de l’étui pour lentilles ou son remplacement uniquement si un nouveau est offert (47 pour cent);
  • L’ajout (42 pour cent) ou la réutilisation de solutions désinfectantes (28 pour cent).

Fait intéressant à noter : au niveau des complications, le « confort et la manipulation » sont davantage cités que les infections. Et, bien que 90 pour cent des participants de l’étude connaissaient l’importance de l’utilisation de solutions désinfectantes fraîches, plusieurs ne jetait pas une fois utilisée.

Une autre étude a démontré que 20 pour cent des patients interrogés au Royaume-Uni ont admis avoir utilisé l’eau du robinet, de la salive, de l’huile pour bébé, de la bière, du coca-cola, de la gelée de pétrole, de la limonade, du jus de fruit et du beurre (!) comme alternative aux solutions de nettoyage pour lentilles (source : communiqué de Bausch + Lomb, novembre 2011).

Ces dernières années, plusieurs rapports de recherches parrainés par l’industrie ont examiné la conformité aux bonnes pratiques relatives aux solutions d’entretien, aux modalités du port et aux lubrifiants pour les yeux.[ii] Cependant, le déploiement de systèmes de désinfectants plus sécuritaires, plus efficaces et plus faciles à utiliser, jumelé au développement de lentilles perméables aux gaz plus confortables, peuvent laisser croire qu’il est « sécuritaire » d’étirer le temps de port au-delà de la période suggérée ou de dormir avec des lentilles plus longtemps que recommandé.

Ces données contrastent avec celles d’une enquête réalisée par Contact Lens Spectrum auprès d’environ 350 professionnels de la vue, pour le compte du Annual Contact Lens Report de 2011. Les répondants étaient d’avis que 75 pour cent de leurs patients se lavaient les mains avant de manipuler leurs lentilles. De plus, 60 pour cent des personnes nettoyaient leurs lentilles selon les recommandations et 64 pour cent les rinçaient selon les pratiques reconnues. Ces professionnels sont d’avis que 70 pour cent de leurs patients se conformaient aux directives concernant l’hygiène des lentilles cornéennes.[iii]

Donc, comment expliquer l’écart entre la perception des professionnels de la vue et les pratiques des patients? Est-ce que les patients leur mentent à propos de leurs habitudes d’hygiène concernant les lentilles et l’utilisation de solutions désinfectantes?

Le meilleur moyen pour encourager la conformité consiste à utiliser des outils de formation tant verbaux que visuels, et ainsi informer les consommateurs sur l’hygiène personnelle ou la propreté des mains ainsi que sur le temps du port des lentilles et leur remplacement.[iv] [v] De plus, il faut discuter de la désinfection des lentilles et des étuis ainsi que des complications cornéennes qui peuvent résulter de pratiques non conformes aux recommandations. Toutefois, une majorité importante de patients n’y adhèrent toujours pas, et ce malgré une connaissance des risques inhérents.[vi] 

Dr. Gary Gerber, un optométriste-expert du New Jersey et président-fondateur de Power Practice®, est d’avis que certains aspects de l’éducation à fournir au patient ne sont pas conçus pour améliorer la conformité. « Nous savons qu’une affiche montrant une cornée ulcérée ou un œil rouge ne produit pas le résultat recherché. On doit plutôt mettre l’accent sur les avantages (liberté, confiance en soi) qu’ils retirent en portant leurs lentilles cornéennes et leur rappeler ce qu’ils perdraient s’ils les délaissaient. Autrement dit, il faut miser davantage sur la perte des bénéfices plutôt que sur les caractéristiques des lentilles. »

Il incombe aux professionnels de la vue d’informer, d’éduquer et de former les patients afin d’augmenter leurs connaissances des risques associés au port de lentilles cornéennes. Les rendez-vous de suivi sont tout aussi importants pour vérifier s’ils se conforment aux recommandations relatives au port et au temps de remplacement, ainsi qu’aux directives associées aux solutions et à l’entretien des étuis.

L’utilisation d’une série de questions standardisées pour détecter des comportements non conformes et le retour sur les conseils professionnels lors de chaque visite de suivi peuvent aider les professionnels de la vue à augmenter le taux de conformité et renforcer les bonnes pratiques à l’égard de l’entretien et de la manipulation des lentilles. Par contre, il faut être attentif aux types de questions posées, puisqu’elles peuvent donner lieu à de fausses réponses de la part des patients, surtout de la part de ceux qui ne veulent pas admettre qu’ils ont des pratiques non conformes. Par exemple, demandez aux patients comment ils se sentent le matin après avoir dormi avec leurs lentilles.

Ce n’est pas tous les problèmes associés aux lentilles qui sont le résultat d’une conformité inadéquate et il n’y a pas de solution miracle pour régler cette situation. Le problème ne disparaîtra pas de sitôt. Mais les professionnels de la vue peuvent tracer un parcours plus sécuritaire et sain vers une santé visuelle propre, claire et confortable pour tous les patients portant des lentilles cornéennes en suivant certaines consignes. L’identification des différents types de comportements non conformes, une information et une éducation appropriées, de bonnes questions lors des rendez-vous de suivi et un message cohérent concernant l’engagement aux bonnes pratiques d’utilisation des produits et de l’entretien des étuis font partie des pistes de solution.


[i] ROBERTSON, DM, CAVANAGH, HD. Non-Compliance with Contact Lens Wear and Care Practices: a Comparative Analysis,  Optometry & Vision Science, décembre 2011, volume 88, pp1402-1408

[ii] GROMACKI, SJ. Research From the 2011 AAO Annual Meeting, Contact Lens Spectrum, décembre 2011

[iii] NICHOLS, JJ. Contact Lenses 2011, Contact Lens Spectrum, janvier 2012

[iv] HICKSON-CURRAN, SB. Compliance Before, During and After Contact Lens Wear, Contact Lens Spectrum, janvier 2012

[v] BENOIT, DP. Compliance and Contact Lenses, Contact Lens Spectrum, mai 2011

[vi] BUI, TH, CAVANAGH, HD, ROBERTSON, DM. Patient Compliance During Contact Lens Wear: Perceptions, Awareness, and Behavior., Eye & Contact Lens, novembre  2010, volume 36, issue 6

L’optique en « vert » et pour tous

Par Isabelle Boin-Serveau

Préoccupations environnementales, préoccupations économiques et sociales, développement durable, bonnes pratiques en affaires… Le 21e siècle affiche une conscientisation accrue de l’empreinte tracée par les activités humaines sur la Terre et plus personne ne doute de leurs incidences sur l’avenir planétaire. Adieu l’innocence! Entre catastrophes industrielles ou climatiques et exploitation barbare de la main-d’œuvre portées à la connaissance en temps réel via Internet, nos contemporains sont condamnés à regarder les conséquences de leurs actes.

Face à la prévalence de ce nouveau paradigme, certaines entreprises ont su saisir l’opportunité de se différencier en adoptant une vitrine globalement identifiée « écoresponsable ».

Vers un capitalisme propre et responsable
Au Canada, depuis sa création en 2002, le magazine Corporate Knights1 distribue, par l’intermédiaire de son Best Corporate Citizens in Canada, les meilleurs points aux entreprises qui ont su répondre au critère de bonne conduite en matière de capitalisme « propre », et il diffuse le Global 100 qui classe les entreprises les plus responsables au monde. Ce média torontois publie également un rapport bi-annuel, The Green Provincial Report Card, qui identifie les provinces canadiennes qui se sont distinguées en matière écologique. Dans un autre élan, Interbrand2, le spécialiste mondial des marques internationales, scrute leur comportement à l’intérieur des différentes phases opérationnelles. Le résultat de cette analyse est répertorié chaque année dans le Best Global Green Brands.

Du côté des marketers, indispensables intermédiaires entre le public et toutes les industries, la transparence a imprégné l’ADN d’une communication responsable visant à gagner des points auprès des consommateurs. Une agence newyorkaise pousse plus loin le respect de ses valeurs en ne prenant en compte que des clients « verts »… Une figuration dans le portfolio de Green Product Placement3 assure une superbe place au royaume de l’écoresponsabilité.

Et désormais, quand les influenceurs de la trempe des Richard Branson (Virgin) et Jochen Zeitz (Puma) se rencontrent, ils ne se parlent plus de leurs nombreux succès personnels en affaires. Non, ils préfèrent plutôt rêver à des modèles d’entreprises qui placeraient la préservation de l’environnement et le bien-être humain au même niveau que les profits… C’est pourquoi, les deux entrepreneurs aux impressionnantes feuilles de route ont lancé en 2012 un nouveau défi dans la galaxie des affaires : The B Team4. Un cénacle qui condense les réflexions des leaders les plus en vue de la planète.  Objectif? « Permettre un changement d’état d’esprit et passer de la vision à court terme non durable qui existe actuellement à celle de l’intérêt à long terme des peuples, de la planète et de l’économie dans son ensemble. S’attaquer à ces trois défis est un point de départ pour la constitution d’un plan B. »  Bref, établir les règles du bénéfice net du futur… en développant les bonnes pratiques d’affaires. Cette dernière initiative d’envergure vient cimenter pour de nombreuses années la tendance écoresponsable.

L’inventaire sur les bonnes pratiques des entreprises du domaine de l’optique n’a pas encore été constitué. Cependant, il est facile de repérer celles qui se détachent du lot et aisé de comprendre qu’il n’y a pas que les entreprises d’envergure qui tiennent à colorer leur image en vert.

Il faut accorder une mention spéciale à Essilor, car 2013 aura été son année « écoresponsable » avec un premier classement au Global 100 : 70e place. La multinationale s’inscrit au 8e rang des industries du domaine des soins de la santé. Cette même année, Essilor s’est davantage engagé socialement avec la création de l’Observatoire des enjeux de la vision (Vision Impact Institute) dont l’objectif est de sensibiliser l’opinion publique aux conséquences socioéconomiques de la mauvaise vision. Cet observatoire a aussi été créé pour encourager la recherche et la mise en place de moyens de correction en publiant sur son site5 des études menées par des chercheurs internationaux.

Rien ne se perd… tout se transforme
Dès 2008, la marque Derapage, signée Nico-Design et distribuée par Georges et Phina au Canada, a mérité une mention spéciale pour son implication dans le développement durable au Silmo d’Or. De fait, la compagnie vise à toujours repenser les processus de fabrication pour réduire le gaspillage et les émissions polluantes. Les matériaux utilisés sont 100% recyclables. Le distributeur Daniel Laoun estime que l’on ne peut être contre la vertu, cependant la question du prix n’est pas à mésestimée : « Entre deux produits équivalents, il n’y a pas de doute que le plus respectueux de l’environnement remportera le choix. Cependant, si son coût est trop élevé, c’est l’importance que l’acheteur accorde à cet aspect qui fera la différence… »

Avec la Wood JF2505, J.F. Rey a présenté au Silmo 2012 ses premières montures en feuilles de bouleau contrecollées. C’est au cœur de la Finlande que la marque française est allée puiser le matériau prélevé selon les normes environnementales européennes les plus sévères. Le Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes (PEFC) est un écolabel qui atteste d’une gestion durable des forêts. Cette certification est similaire au label nord-américain FSC (Forest Stewardship Council), mais il correspond mieux aux configurations environnementales des forêts situées en Europe.

Plus récemment, aux quatre coins du monde, des entreprises ont trouvé leur inspiration dans le recyclage. Chez Vuerich B.6, un fabricant espagnol installé à Barcelone, on recycle des skateboards pour confectionner des lunettes. Sur le site français de Fan À Lunettes7, on organise des collectes et des reventes de montures de marques pour consommer « de manière plus responsable et plus économe pour l’environnement ». En Hongrie, la petite compagnie Vinylize8 a choisi de recycler les disques en vinyle pour fabriquer des montures particulièrement stylisées et branchées.

La société américaine iWood9 fabrique à la main des montures en bois recyclé provenant des luxueux aménagements intérieurs de jets privés. Elle emploie colles et enduits naturels fabriqués à partir de substances végétales ou animales. À l’automne, pour sa nouvelle collection, iWood a mis au point une technique de polymérisation écologique. En fait, elle a remis en service un procédé du XVIIIe siècle à base de graines de lin qui procure au bois poncé à la main une finition résistante, durable, naturelle, douce au toucher et sans danger pour la peau. De plus, la fabrication des montures arbore fièrement le label made in America.

Un groupe de jeunes français, ébénistes et communicateurs, vient de lancer Shelter10 sur fond de financement participatif, une collection d’écodesign. Au moment de mettre sous presse, ils avaient recueilli 12 957 euros sur les 7 000 euros projetés. Les lunettes Shelter sont développées selon une ligne de conduite durable afin de limiter l’impact environnemental : « Nous souhaitons offrir au client un objet local, alliant style, artisanat et confort à une époque où la production de masse est devenue un standard. » Les bois sur lequels ils travaillent proviennent de bûches de chauffage recyclées. Les essences sont celles que l’on retrouve dans les forêts de Haute-Savoie afin de limiter les coûts énergétiques reliés au transport.

À Singapour, la fameuse « Suisse d’Asie », Verlite11 propose des montures entièrement composées de matériel recyclé. Ce groupe, qui se pose en véritables puristes environnementaux, étend son concept non seulement dans la manière de fabriquer mais aussi de consommer en basant son éthique sur le respect des trois R : Réduire, Réutiliser et Recycler.

Chez Modo12, aux États-Unis, on veut faire la différence en s’identifiant clairement « born recycled ». La collection bien nommée Eco présente des montures recyclées à 95 %. Une réalité authentifiée par UL Environment, un organisme de certification et d’inspection indépendant, aussi bien pour le métal que pour le plastic. Selon Alessandro Lanaro « notre concept est un concept innovateur » et le propriétaire d’origine italienne croit « qu’un jour, toutes les montures seront faites ainsi… ». Non seulement Eco est réalisée avec des matériaux recyclés, mais l’emballage et la distribution sont aussi conçues pour laisser une empreinte réduite en carbone et en émission de gaz à effet de serre. Modo incite d’ailleurs ses clients à retourner leurs vieilles montures en utilisant des enveloppes d’expédition Eco. Jouant sur tout ce qui est bon, « Look Good-Feel Good-Do Good », Modo s’engage à planter un arbre par monture vendue. Résultat? 800 000 arbres poussent dorénavant au Cameroun, un des pays inscrit au programme d’aide de Trees for the Future, un partenaire avec lequel Alessandro Lanaro s’est associé.

Au Québec, les succursales de la Lunetterie Les Branchés proposent des montures FANIEL13 issues de l’esprit très artistique de la designer-soprano propriétaire. Elles sont entièrement réalisées à partir de matières recyclables : « Fils de laine, copeaux de cuivre et fils métalliques sont amalgamés à des granules d’acétates recyclés… » Les montures FANIEL sont distribuées au Canada mais aussi dans de nombreux pays à travers le monde.

Considération holistique de l’écoresponsabilité
De la production à la distribution, en passant par tous les départements, une entreprise peut faire sa part pour suivre le chemin du développement durable. Au sein de ses deux cliniques d’ophtalmologie, au Québec (Laval) et en Colombie-Britannique (Vancouver), le Groupe Visuel Iris a réussi le pari d’une gestion sans papier. Pierre Ouellette, vice-président aux affaires médicales, précise « que pour certaines communications à des tiers parties, avec les hôpitaux, par exemple, nous sommes obligés d’imprimer… cependant, on peut dire que nous sommes à 100 % sans papier dans la gestion interne de nos cliniques ». Il avoue aussi que ce virage vert a d’abord été motivé par l’abondance des informations relatives aux fichiers des patients qui a nécessité l’implantation d’un système informatique performant. Un processus qui s’inscrivait également dans un des volets requis pour obtenir l’Agrément Canada. Pierre Ouellette affirme en outre que le comportement écoresponsable fait partie de ses valeurs et souligne « dans sa gestion des affaires médicales, c’est définitivement une de mes grandes préoccupations ».

Bollé14 apparaît vraiment comme un élève modèle en s’engageant écoresponsable au sein des divers paliers de son organisation. D’abord, elle commercialise le modèle Solis B-green : des lunettes de sécurité issues de matières végétales entièrement biodégradables avec « un emballage en kraft, un marquage végétal monochromique et une notice imprimée sur du papier issu de forêts protégées ». Ensuite, toutes les substances utilisées dans la fabrication de l’ensemble des montures sont garanties REACH (enRegistrement, Evaluation et Autorisation des produits Chimiques) et ne nuisent pas à la santé des porteurs ni à l’environnement. Enfin, Bollé se distingue encore avec une certification ISO14001, qui repose sur le principe d’amélioration continue de la performance environnementale et par la maîtrise des impacts reliés à l’activité de l’entreprise.

En 2012, la compagnie française OZED15 voit le jour. Les deux jeunes trentenaires, Baptiste Notter et Matthieu Delhaye, qui ont fait leurs premières armes dans des sociétés du domaine de la mode, tenaient à réinventer et à redynamiser la façon de faire des affaires en surfant sur des valeurs d’authenticité, de style de vie et d’art. Car, dans la famille Ozed, les artistes et les sportifs se côtoient et participent au processus de création des montures. Baptiste, qui a grandi une planche sous les pieds, entend que son entreprise fleurisse sous l’égide du respect écologique : « L’image associée au planchiste est superficielle… on oublie que c’est avant tout une culture, un art de vivre et un sport. Et en tant que planchiste, il est impossible de ne pas être concerné par les valeurs environnementales! » Outre l’aide qu’elle souhaite apporter aux peintres et chanteurs, les fondateurs d’Ozed poussent leur souci responsable jusqu’à défrayer annuellement leurs propres dépenses en carbone et celles de leur société : « Pour chacune de nos montures de bois, dont les essences proviennent de forêts protégées, nous reversons 2 euros et nous participons à un programme de reboisement dans des pays en voie de développement. Prochainement, avec le collectif français Pur Projet, c’est en Haïti que nos efforts vont se concentrer en repeuplant les forêts ravagées par le séisme… » Chez Ozed, les valeurs dament le pion au profit… ce qui aurait pu être des produits de pur luxe devient l’apanage de la passion et de l’authenticité. Vendues à travers l’Europe, les montures réalisées entièrement à la main n’attendent qu’un signe pour se rendre jusqu’en Amérique du nord.

Versions biodégradables
Comme l’affirmait le designer français Damien Fourgeaud16 « le mariage des matériaux naturels et de la technologie annonce une nouvelle ère, celle du bio-techno ». Et lorsque l’on sait qu’une monture en plastique mettra 400 ans à se dégrader en abandonnant des composants nuisibles à l’écosystème, on comprend la portée des matériaux organiques biodégradables pour le futur de la planète.

Ce n’est pas un hasard si l’entreprise familiale Mazzucchelli fait figure de pionnière dans le domaine de l’innovation lunetière. Avec quelque 160 années d’expérience, la société italienne fonctionne sur le mode invention et a récemment mis au point un matériau thermoplastique fabriqué à base de fibre de coton, de pulpe de bois et de substances à énergies renouvelables. Le produit final ressemble en tout point à de l’acétate qui peut être recyclé et se décomposer naturellement. Avec ce matériau innovateur, c’est toute l’industrie de l’optique qui peut entrer dans la danse écologique…

Justement, en février dernier, le groupe OKO EYEWEAR, qui se positionne dans une démarche avant-gardiste, a confié la fabrication d’une collection écolo à Mazzucchelli avec ses modèles pour hommes, Georges, Clint et Jack. Pour OKO, la tendance ecofriendly est aussi synonyme d’innovation. Et le public répond très positivement à son invitation : « Les consommateurs nous écrivent de nombreux messages de remerciements sur notre blog et sur notre page de fans – remerciements liés à cette démarche de responsabilisation et de prise de conscience qu’il faut préserver notre planète. Il est impératif maintenant de trouver des matériaux en phase et en adéquation avec les signes d’alertes environnementaux. OKO EYEWEAR veut, par là-même, offrir à ses clients les meilleurs matériaux qui existent à des prix accessibles. C’est véritablement un plus et une valeur ajoutée! »

Ce ne fut pourtant pas le cas avec la monture B-Wear que le très innovateur fabricant Demetz a mis en circulation en 2010. Entièrement biodégradable, fabriquée à base de maïs, cette monture prometteuse n’a pas su recueillir les faveurs des opticiens malgré ses qualités environnementales indéniables. « Ils trouvaient cela intéressant, mais n’en commandaient pas! », confie Gilles Demetz. Peut-être était-il trop tôt pour mettre sur le marché ce type de monture? Malheureusement, l’insuccès aura eu raison de la commercialisation de la B-Wear…

Trois ans plus tard, les versions biodégradables se font plus présentes. Pour Zeal Optics17, elles correspondent à sa conception de l’engagement écoresponsable. C’est pourquoi, la compagnie propose, dès cet automne, la solaire Ace qui provient tout droit des champs de coton. Un coton 100 % produit aux États-Unis pour ajouter au souci de production locale et donc de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Et cela, même si la récolte annuelle de coton prend la voie maritime pour se diriger en Italie, à la porte de la compagnie Mazzucchelli, experte dans la fabrication de composés organiques. Zeal Optics a inséré sur Ace des verres E-llume pour lesquels un amalgame à base de plantes a été utilisé à la place du pétrole afin de combiner parfaitement tradition et innovation. Parce que la recherche d’une autre façon de créer en respectant l’environnement pousse aussi les créateurs à aller toujours plus loin dans l’innovation, pense Joe Prebic, le directeur de marketing de Zeal Optics.

L’engagement social : un autre vecteur responsable
Parmi les ténors de la responsabilité sociale, gravitent des entreprises très prospères, celles qui entendent remettre à la société une partie de leurs grosses récoltes. L’Anglaise Adlens s’est d’ailleurs acoquinée avec l’Américain Warby Parker à l’instar duquel pour chaque paire vendue elle en donne une aux pays en développement. Quant à Vision Spring, il utilise son levier de ventes pour aider les plus démunis à prendre en charge leur destin. Une autre façon de rendre la vue utile… Le géant italien Luxottica n’est pas en reste avec sa fondation One Sight dont la mission consiste à permettre aux plus dépourvus de prendre soin de leur santé oculaire.

Ici, l’implication écoresponsable de Lunetterie New Look, se concrétise dans un engagement indéfectible à la Fondation des maladies de l’œil dont le président, Martial Gagné, dirige également le conseil d’administration : « Chaque année, l’entreprise participe activement aux différents projets organisés par la Fondation tels que les soupers-spectacles bénéfice, la vente de billets de tirage et le programme Participe pour voir ». Une belle façon d’aider la communauté et de contribuer au développement de recherches sur les maladies oculaires.

Dans le même esprit, Cendrine O, la fondatrice de Zig Eyewear s’est longtemps impliquée dans l’opération de la Fondation des maladies de l’œil, Voir plus loin, en lui remettant 10 $ à la vente de chaque monture signée Jean Reno par Cendrine O. De fait, Zig Eyewear et le professionnel de la vue engagé dans ce programme ont versé chacun cinq dollars par paire de lunettes vendues. Une belle façon de contribuer à amasser des fonds pour la Fondation. Et si Zig Eyewear a adoré faire partie de cette aventure sociale et humanitaire, elle a aussi noté que les clients ont été très motivés et enthousiasmés par cette cause, mais qu’avec le temps l’engouement s’est doucement érodé.

Tout récemment, les succursales VU-Vision Ultime ont rejoint la cause des Optométristes Sans Frontières. Au cours du mois de mai, pour souligner la fête des mères, VU a sollicité la générosité de sa clientèle en l’invitant à faire don de leur paire de lunettes usagées. En contre partie, VU appliquait un rabais de 15 % durant le mois de mai. Toutes les montures ont ensuite été acheminées à l’organisme Optométristes Sans Frontières qui se charge de les redistribuer au cours de missions organisées dans les régions défavorisées du globe.

Mais l’attitude responsable n’est pas une chasse gardée réservée aux plus fortunés. Depuis 2012, Simon Dufour, un jeune opticien « ambulant », propriétaire de Marchand de lunettes18, a inscrit son exercice sur un modèle d’économie sociale qui privilégie « le “nous” de la communauté [au] “je” de [sa] propre richesse ». Il propose ses services auprès d’organismes communautaires de Trois-Rivières et de Québec, s’engage à remettre une partie de ses profits à la communauté, et offre aux moins bien nantis des montures « abordables ».

Un autre opticien de Québec, Serge Poulin19, s’est engagé personnellement depuis de nombreuses années dans les missions humanitaires à l’étranger. Il collecte aussi des paires usagées de lunettes en remettant un bon d’achat pour sensibiliser sa clientèle aux causes qu’il défend. Son slogan parle de lui-même : « Changer le monde, une paire de lunettes à la fois! »

Et la culture dans tout cela? « Certainement! », répond Daniel Laoun de chez Georges et Phina. Car chez les Laoun, la philanthropie artistique est inscrite dans leur ADN. Ils sont reconnus à travers le Canada pour venir en aide à de nombreux artistes de la relève en arts visuels et à s’engager auprès de la communauté artistique montréalaise. Une vocation qui est (presque) devenue une marque de commerce. « L’intérêt pour une cause humanitaire, environnementale ou artistique devrait être autre chose qu’une simple image servant à se différencier. Avant tout, cet intérêt doit être sincère », conclut Daniel Laoun en mentionnant, philosophe, que si ce n’est pas le cas, « à long terme, les consommateurs ne sont jamais dupes… ».