Rémi Xhenseval : « Mon Amérique à moi! »

Par Isabelle Boin-Serveau

L’allure sportive et le regard franc de Rémi Xhenseval trahissent l’assurance d’un professionnel qui a trouvé sa voie. Pour réussir dans ce coin d’Amérique où tout semble possible, l’opticien a dû néanmoins manifester une persévérance et une résolution à toute épreuve. Aujourd’hui, le Français de 37 ans se délecte d’être parvenu à réaliser son vœu: s’établir au Québec et devenir un citoyen à part entière.

C’est dans le quartier du Plateau, haut lieu de prédilection de la grande majorité de la diaspora hexagonale, que Rémi Xhenseval me donne rendez-vous. Au petit restaurant du coin où il a ses habitudes, le jeune professionnel livre en toute franchise les étapes de son parcours.

La découverte d’une vocation

Rémi a passé une partie de son adolescence et de sa jeune vie d’adulte à Noisy-le-Roi, une petite ville de la région parisienne située non loin de Versailles. C’est durant le secondaire qu’un professeur lui fait connaître le métier d’opticien. Une voie professionnelle que certains de ses amis décideront de suivre après le baccalauréat. Rémi, lui, se lance dans une aventure universitaire à la faculté de biochimie qui avortera rapidement : « J’étais très attiré par la chimie, mais je me suis vite aperçu que la structure de l’université ne correspondait vraiment pas à mon tempérament. »

C’est donc quelques mois plus tard, en 1997, que Rémi Xhenseval retrouve ses anciens amis déjà engagés dans la spécialité optique : « À l’époque, les “littéraires” et ceux qui n’avaient pas obtenu de mention au bac devaient au préalable suivre une année de prépa pour accéder aux études d’opticien qui durent deux ans. » Rémi Xhenseval, qui avait accompli un bac en économie, entre donc pour une année de préparation dont il vante aujourd’hui les mérites : « Cela a été une bonne façon de voir si le métier me plaisait parce qu’une partie de cette année-là est consacrée aux différentes facettes de la pratique. » Pour sa part, cette première année sera celle de la révélation. En effet, Rémi venait de contracter le virus de l’optique.

Dans le cursus français de formation en optique, les étudiants ont leur semaine divisée en deux blocs : trois jours en entreprise et deux jours sur les bancs de l’école. C’est ainsi que les apprentis opticiens sont fortement confrontés à la réalité de la pratique et que les propriétaires de bureau bénéficient d’éléments prometteurs. Pour Rémi, qui a travaillé dans un bureau parisien mais aussi dans une succursale d’Optique 2000 à Noisy-le-Roi, cette formation sur le terrain fut riche d’enseignements : « La clientèle n’est pas toujours facile et souvent très exigeante », se souvient-il.

Dure confrontation avec la réalité québécoise

Parallèlement à ses études en optique, Rémi Xhenseval effectue de nombreux séjours au Québec où un de ses meilleurs amis, qui bénéficie de la double nationalité franco-canadienne, est installé : « Je suis venu ici en hiver et en été durant cinq années et j’y ai tellement pris goût que j’ai fait ma demande de résidence permanente en 2000! », explique le jeune opticien qui venait alors d’obtenir son diplôme. À la même époque en France, le passage à la devise européenne entraîne une réévaluation des prix qui ont considérablement perturbé les consommateurs français. Résultat, le jeune opticien ne se plaisait plus dans ce climat déprimant des années qui ont suivi l’implantation de l’euro.

C’est donc tout naturellement que, lors de ses séjours à Montréal, Rémi Xhenseval commence à réunir de l’information sur la pratique des opticiens au Québec. De retour en France, il entreprend les démarches pour obtenir la résidence permanente. Treize mois plus tard, il recevra le fameux Sésame qui lui ouvre les portes de la Boréalie. Mais, en 2001, son chemin de croix ne faisait que commencer : « Je n’avais pas envisagé que c’était l’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec qui allait me poser le plus de problème pour m’insérer professionnellement à Montréal », se souvient le jeune expatrié.

« C’était incroyable le nombre de documents que l’Ordre me demandait! Par exemple, tout mon historique de scolarité depuis le secondaire… et comme j’ai fait plusieurs établissements puisque mon père est diplomate et que nous avons vécu beaucoup de déménagements, il a été ardu de colliger toutes ces informations. Il a fallu aussi présenter un descriptif de toutes les matières de l’école professionnelle française et également que je repasse des examens », relate Rémi qui se souvient avec reconnaissance de l’opticienne Marie Bernard qui l’aura familiarisé aux instruments en usage ici et au système de calcul différent : « C’est vraiment grâce à elle que j’ai pu réussir l’examen et je ne la remercierais jamais assez! Parce que je n’avais pas la possibilité de suivre des cours à Édouard-Montpetit » D’ailleurs, forte de cette expérience réussie, Marie Bernard deviendra officiellement la formatrice de l’Ordre dédiée aux candidats étrangers engagés dans le processus de l’équivalence. À la fin de son parcours de candidat motivé, Rémi Xhenseval obtiendra finalement son permis d’exercer au milieu de l’année 2004. Presque trois ans après son arrivée sur le sol québécois!

« Les choses ont bien changé depuis ce temps-là, notamment grâce aux premiers accords franco-québécois sur la mobilité de la main d’œuvre », s’empresse d’ajouter Rémi. En fait, depuis 2008, l’Entente Québec-France sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles a permis d’ouvrir les vannes de la mobilité entre les deux continents. Rémi participe d’ailleurs au sein de l’Ordre à l’évaluation des compétences professionnelles de confrères étrangers : « Je fais partie du comité professionnel en charge des équivalences dans lequel nous examinons les dossiers des candidats étrangers et non uniquement des Français. » Aujourd’hui, un candidat étranger qui remplit toutes les conditions peut obtenir son permis en deux ou trois mois.

Rémi Xhenseval n’a pas trouvé de difficultés à trouver un emploi. Il a d’abord effectué quelques semaines chez Henri Cohen sur la rue St-Denis, puis chez l’optométriste Élyse Desjardins dans le bureau de Saint-Joseph à Montréal : « Cela a tout suite fonctionné entre elle et moi. Dès le départ, j’ai adoré pouvoir me familiariser avec tous les produits, notamment les lentilles de contact. J’ai ainsi appris beaucoup dans le domaine de contactologie que nous étudions peu en France étant donné que nous sommes davantage formés pour effectuer de la réfraction (un exercice limité aux personnes âgées entre 16 et 64 ans). Je m’occupe aussi des achats et de la gestion du stock de montures. »

Depuis son arrivée au pays, Rémi Xhenseval n’éprouve aucun regret par rapport à son choix d’émigration, ni aucune nostalgie vis-à-vis de la France : « En fait, j’ai beaucoup plus d’avantages ici que d’inconvénients! » Et avec sa compagne française biochimiste qu’il a rencontrée à Montréal, il adore jouir des grands espaces québécois durant toutes les saisons. Voilà bien le modèle parfait d’une immigration réussie.