Étoiles discrètes du SILMO

Étoiles discrètes du SILMO
PAR Marie-Sophie Dion O.O.D.

Sous un ciel parisien mêlant pluie et soleil, le Silmo a regroupé, début octobre, les professionnels de la vue du monde entier en quête de nouveautés. « Nouveautés », car depuis 2008 les tendances semblent s’être figées sur le « vintage » et le look rétro des années 1960. Ce salon fut satisfaisant pour nous, amoureux du design moderne, car plusieurs montures ont présenté des formes inédites et des textures inattendues.

La soirée de remise de prix des Silmo d’Or, moment magique, s’est déroulée dans les nouveaux studios de tournage de la Cité du Cinéma. En résumé : grandiose! Et j’ai particulièrement apprécié que les gagnants soient de « nouveaux venus » dans le domaine, avec leurs idées fraîches et leur air candide. Un trait de caractère commun unissait les 5 gagnants des catégories de « montures »: ils recevaient leur prix avec joie et en toute humilité. Ayant eu la chance d’échanger avec eux, je réalise que cette qualité a beaucoup de valeur pour moi. Être humble, c’est se voir tel que l’on est, ni plus ni moins, et s’accepter dans son intégralité, en assumant ses failles mais aussi ses dons et ses qualités.

CATÉGORIE « MONTURE OPTIQUE »

                        ALAIN MIKLI avec « Chamarel » 

                        ITALIANA DESIGN avec «  Piero Massaro 286 »

                        JEREMY TARIAN avec « Command Performance »

                        LOOK THE CONCEPT FACTORY avec « Augusto Valentini Inside » 

Gagnant : UNDOSTRIAL avec « Lucas de Staël » 

Grand jeune homme hyper sympathique, Lucas de Staël, est le petit-fils du célèbre peintre français originaire de Russie, Nicolas de Staël. Dans la famille, le talent artistique se transmet de génération en génération. Traçant sa propre voie, Lucas s’est tourné vers la création de lunettes et y évolue depuis presque 10 ans. Il a d’abord fondé la marque Undostrial, des montures de métal fin aux branches colorées interchangeables, avant de lancer sa marque éponyme en septembre 2011.

En 2012, après deux années de recherche, il surprend et dévoile une élégante prouesse technique avec une nouvelle collection : Once Upon a Time. Le créateur en parle d’ailleurs comme étant une pièce d’orfèvrerie et un objet très confortable: « Cette première collection allie plusieurs matériaux, acier et bois, ou acier et cuir. Elle mêle ainsi la pérennité et la souplesse de la feuille d’acier à la beauté et à la fragilité des matières naturelles. »

Le modèle en noyer et acier chirurgical, récipiendaire du Silmo d’Or, est fin, léger, discret. Il donne cependant au visage une touche de bon goût et d’élégance. La complexité et la technicité que requiert la fabrication de ces lunettes susciteront l’intérêt des amoureux des beaux objets. Ces montures sont fabriquées à partir d’une plaque d’acier souple dans laquelle s’intègre une très fine lame de noyer. Le bois s’y insère parfaitement sans irrégularité, conférant au produit un impeccable fini luxueux. 

Ces véritables petits bijoux sont exclusivement fabriqués en Europe. Premièrement découpées en Italie, soudées en France et ensuite colorées en Allemagne, les montures bénéficient du savoir-faire de chaque pays tout au long de leur production. Lucas de Staël possède ses ateliers de création à Paris, où les lunettes sont assemblées manuellement. Once Upon a Time se décline en 11 formes de devants différentes (masculines et féminines) et est disponible en 11 coloris (7 coloris de cuir et 5 essences de bois).

CATÉGORIE « LUNETTES SOLAIRES »

                        DITA EYEWEAR avec « Mach One »

                        EYE BIZ PTE avec « Glossi mask » 

                        J.F. REY avec « Bloody Lys » 

                        L.A Eyeworks avec « Silverman »

Gagnant : JEREMY TARIAN avec « Saintonge »  

« Mais où ai-je déjà vu cette grande tête frisée? » C’était bien celle du créateur Jeremy Tarian que j’avais remarquée au Silmo 2011… Jeune étudiant en administration, il n’a que 20 ans lorsqu’il s’introduit incognito dans l’équipe d’entretien de la très célèbre compagnie de montures allemandes ic !-berlin. Ce n’est que plus tard que Ralph Anderl, le dirigeant de la compagnie berlinoise, découvre qu’Alain Mikli est le père de Jeremy. Ce dernier est invité à collaborer avec Anderl et dessine ainsi sa première collection en 2008. Ses créations ne sont pas passées inaperçues. Un de ses modèles, Urban, fut même primé aux Silmo d’Or. Ce prix lui confirma qu’il devait poursuivre dans le domaine. 

À la question posée sur les raisons qui l’ont poussé à dessiner des montures, Jeremy répond que c’est vraiment « plus fort » que lui et qu’il s’inspire beaucoup de ses voyages pour créer. Curieux, il apprécie tout autant les casinos en Chine, que les grands déserts d’Algérie, ou le buzz intense de Manhattan…Il puise ses idées de ses expériences et tente de réinventer la monture pour donner naissance à un objet fonctionnel et ultra perfectionné. 

Le modèle Saintonge de sa collection éponyme vient de remporter le Silmo d’Or 2012. Le jeune designer nous explique qu’il s’est inspiré de l’esprit d’une rue du même nom située en plein coeur de Paris, tout près de sa résidence dans l’arrondissement du Marais. Le modèle, en acétate et métal, s’adresse exclusivement aux femmes. La monture est disponible en 5 coloris, mais toujours agrémentée d’un fini doré ou argenté. Chaque modèle, terminé à la main, possède un numéro unique, car seuls 500 exemplaires sont produits. www.jeremytarian.com.

CATÉGORIE « ÉQUIPEMENT de SPORT »

                        DEMETZ avec « 2F Fusion Faces » 

                        DI ESSE avec « Racing » 

                        JULBO avec « Wave » 

                        LOGO avec « Salomon Fusion Winter Pro »  

Gagnant ; SILHOUETTE avec « adidas Tourpro » 

Qui se souvient des collections « flyées » de Silhouette des années 1990? Je parle des Tibet, Africa, Cartoon (les petites mains en guise de tenons), etc. Ces miniséries à thème ont vu le jour grâce à Gherard Fuchs, un jeune machiniste chez Silhouette (Linz, Autriche) devenu designer grâce à ses idées mirobolantes.

En 1981, à l’âge de 15 ans, le jeune Gherard intègre la grande entreprise Silhouette, reconnue pour son sérieux et ses montures de haute qualité. Les dirigeants s’aperçoivent vite du talent créatif de l’ouvrier et l’invite à aller suivre une formation d’un an en design. À son retour, et après plusieurs essais fructueux, il gagne sa place de designer en chef de la compagnie. En 1999, il connaît un succès retentissant avec son modèle Titan Minimal Art, totalement léger et sans aucune vis, dont 4,5 millions exemplaires ont été vendus.

Malheureusement pour nous, opticiens en quête de montures créatives et extravagantes, ce modèle mit fin à la frivolité Silhouette et fut suivi par l’ère des montures trois pièces discrètes et sérieuses. Par contre, aucun modèle de montures ne connut un succès mondial aussi grand que celui de la Titan Minimal Art.

Les années passent jusqu’à ce que Fuchs lui-même se mette à dessiner une solaire adidas : « Pour moi, il est important de pratiquer le sport pour lequel sera conçu un modèle de lunettes. Je peux alors comprendre les besoins réels du consommateur », explique celui qui a même inauguré un centre d’essai en plein coeur des Alpes, qu’il nomme affectueusement CHI-Q. Il travaille de façon progressive en dessinant un premier croquis et consulte tout autant les ingénieurs de la marque que les sportifs pour parvenir à un design favori. Fuchs fait ensuite produire un premier prototype en trois dimensions, le pose sur le nez de plusieurs collaborateurs et le modifie pour réaliser en moyenne 4 autres exemplaires. Viennent ensuite les tests finaux, qui nécessitent environ 10 à 20 copies de ce prototype, pour arriver à un produit achevé techniquement parfait.

Le modèle récipiendaire du Silmo d’Or, adidas Tourpro, a été testé et mis à l’épreuve par plusieurs golfeuses et golfeurs dont le professionnel Dustin Johnson. Les lentilles arrondies à surfaces diagonales très larges maximisent le champ de vision, tout en respectant les critères esthétiques des tendances actuelles. Le pont a été réduit au maximum pour ne pas gêner la vue. Les branches fines et incurvées s’enfilent aisément sous une visière ou une casquette. Elles sont dotées de la très populaire charnière à trois positions d’inclinaison adidas et peuvent s’éjecter dans des situations d’impact.

La fameuse teinte Light Stabilizing Technology (LST) d’adidas est suggérée comme base pour tout porteur, mais la facilité de permuter les verres en un tour de main permet d’adapter la Tourpro en fonction de la lumière. En effet, la disponibilité d’une vaste gamme de teintes offre toujours la meilleure protection contre les rayons UV nocifs.

CATÉGORIE « ENFANT »

                        ADCL avec « VOA 121 » de Rip Curl 

                        JULBO avec « MODUL’O » 

          VERY FRENCH GANGSTER avec « VERY BOMBE »

            KARAVAN PRODUCTION avec « KK 4014 Taga » 

Gagnant : SEAPORT avec « MILKY » de Little PAUL & JOE

Lorsque les parents de Sophie Albou ont vendu leur entreprise de prêt-à-porter dans laquelle elle travaillait, la jeune Française a décidé de prendre la suite et de lancer sa propre marque de vêtements : « Le contexte n’était pas favorable puisque la mode pâtissait encore, en 1995, des conséquences de la guerre du Golfe. Mais, en dépit du risque, j’avais envie de créer une nouvelle mode masculine. Je trouvais qu’il manquait dans ce secteur une gamme de vêtements sortant du code strict gris-noir. Avec Paul & Joe, je voulais proposer quelque chose de frais, très inspiré des happy days, des insouciantes années 1970. » Sophie a tout simplement choisi les prénoms de ses deux fils pour nommer sa marque, puis et a ajouté une ligne pour femmes et des accessoires, dont les lunettes.

« Très vite, nous avons ressenti le besoin d’introduire des lunettes dans les défilés : la première fois, nous avons chiné des montures vintage, des vieilles Pilote, des grosses lunettes très seventies. On s’est amusé à le faire et le défilé a remporté un franc succès. D’où l’envie d’avoir notre propre ligne », explique-t-elle en ajoutant : « Je déteste les gros logos : je souhaite qu’on remarque avant tout les lunettes et qu’on se demande ensuite quelle est sa marque. C’est la même chose avec les vêtements que je conçois. »

Entièrement créées et dessinées en France, ses montures s’appuient sur le savoir-faire des artisans de l’optique. Essentiellement féminine, sa collection de lunettes apporte un vent de fraîcheur avec des incrustations de dentelle ou de figurines animales qu’affectionne la créatrice. Un bouton de rose repose délicatement sur une branche, sur une autre s’envole un papillon, un hibou veille au clair de lune perché sur un tenon, une tortue se prélasse sur un verre polarisant…

En 2005, elle lance Little Paul & Joe, une ligne de vêtements pour enfants et… des montures « presque comme les grands, mais pour les petits ». C’est ainsi que se définit la toute nouvelle collection de lunettes Little Paul & Joe, conçue pour les 6-12 ans, avec 16 modèles de montures (9 pour filles et 7 pour garçons). Des montures souvent hautes et en acétate épousent la tendance néo-rétro du moment. Au-delà de son design, la véritable réussite de cette ligne tient surtout au juste équilibre qu’elle a su trouver entre la mode, l’identité de Paul & Joe et les contraintes techniques imposées par les visages des enfants.

Pour les tout-petits, Little Paul & Joe propose des formes traditionnelles (rondes ou ovales) dotées de charnières flexibles et de ponts bas, dans une déclinaison de couleurs qui séduira autant les enfants que leurs parents. La couleur joue un rôle essentiel dans cette ligne. Ceux qui connaissent bien Paul & Joe ne seront donc pas surpris de retrouver certaines associations fétiches de la marque telles que le rose agencé au marron ou le bleu marié à l’écaille.

Les préados pourront, quant à eux, opter pour des modèles au caractère plus marqué ; Edgar et son double pont en est un bel exemple, tout comme la monture haute Kiala pour les filles, et Milky (la grande gagnante du Silmo d’Or), avec ses imprimés de papillons à l’intérieur des branches.

CATÉGORIE « MONTURE INNOVATION TECHNOLOGIQUE »

                        HOET avec « Abigail » 

                        MINIMA avec « Minima Pocket » 

                        MOREL avec « Öga Kusk » 

                        OPTIQUE DISTRIBUTION avec « Toxic »

Gagnant :DIESSE avec « Custom-6 FN 719 » 

La toute nouvelle marque italienne Custom-6, qui en est à sa deuxième apparition dans une foire commerciale, a réussi à se tailler deux places parmi les finalistes du grand prix du Silmo d’Or cette année, l’une dans la catégorie Équipement de Sport, l’autre dans celle de l’innovation technologique.

Fruit d’un travail de 7 ans de recherche, la première collection est un retour aux origines de la terre, avec des montures en fibre de carbone. L’utilisation du carbone, élément naturel, est travaillé en fibres à l’aide une technique avancée. Six couches de fibres liées par une résine spéciale apportent des propriétés révolutionnaires de légèreté et de souplesse.

« La production est entièrement italienne et reflète le talent artisanal et la créativité authentique qui est propre à notre culture. Cette monture est contemporaine et absolument confortable », mentionne Antonio De Silvestro, directeur général de Diesse. Le modèle sport, finaliste au Silmo d’Or, est très galbé et, malgré cela, demeure élégant grâce à la riche texture du tissu argenté. Il comporte le système de montage breveté In&Out, une pièce en polymère flexible qui se fixe aux deux crochets installés de part et d’autre de la charnière du cercle.

La seconde collection Diesse, présentée au Silmo, est une véritable primeur intitulée Custom-6 Natural Philosophy. Une combinaison de multiples couches de lin, une fibre naturelle semblable au coton, apporte un style naturel et environnemental. Des fibres de bambou et de coton sont aussi présentes. Le modèle FN 719, qui a remporté le Silmo d’Or, traduit bien la tendance du retour aux matières naturelles et écologiques.

J’aurais aimé en savoir plus sur l’inspiration et l’historique des créateurs de cette petite entreprise italienne, sise au nord de l’Italie dans les montagnes Dolomites, mais ils demeurent discrets. Sont-ils trop occupés ou trop humbles face à la récompense qui honore leur travail? À vrai dire, je préfère la deuxième hypothèse…