20 ans de chirurgie réfractive, et quoi encore?

Par Dre Dominique Meyer

Voilà maintenant plus de 20 ans que les premiers lasers excimer pour la correction de myopies et hypermétropies ont fait leur apparition au Québec. Au fil des ans, cette procédure de chirurgie réfractive s’est constamment raffinée pour devenir aujourd’hui une chirurgie bien contrôlée avec un taux de complication minime. Les cliniques de laser ont poussé comme des champignons dans le ciel québécois, soulignant par le fait même le succès indéniable de cette avancée technologique, pour le plus grand bonheur du public. Où en sommes-nous 20 ans plus tard dans cette jungle réfractive? Quels en sont les tenants et aboutissants? Nous tenterons ici de faire brièvement le point sur le sujet.

La révolution du laser

Après une période d’utilisation à large échelle de 7-8 ans avec la technique PRK est survenue la période Lasik. Le laser connut alors un essor considérable, toutes les cliniques offrant le service étant débordées par une demande dépassant parfois la capacité de production. En effet, le Lasik, qui consiste à pratiquer une coupe de la cornée avec un kératome avant de modeler la cornée au laser, offrait au patient une chirurgie nettement plus confortable et une récupération visuelle très rapide comparativement au PRK. Avec le Lasik, fini la douleur, on peut retourner à des activités régulières dès le lendemain et le taux de complication sérieuse est d’environ 1 cas sur 1 000.

Ce type de chirurgie a révolutionné le monde de l’ophtalmologie et le monde de l’optique également. Au début des années 90, plusieurs ophtalmologistes se sont lancés dans l’aventure réfractive sans réaliser toutes les exigences de cette nouvelle pratique. En effet, plusieurs ont rapidement cessé leurs activités lorsqu’ils ont réalisé que cette clientèle « privée » avait des exigences de service et de performance bien au-delà de la clientèle plus standard des hôpitaux. Tranquillement, la chirurgie réfractive est devenue une surspécialité en soi en ophtalmologie. D’ailleurs, plusieurs universités américaines et canadiennes offrent maintenant des programmes de formation supplémentaires (fellowship) en chirurgie réfractive à la fin de la spécialité régulière. La venue du Lasik et le perfectionnement des lasers ont sonné le glas pour les ophtalmologistes qui ne pratiquaient la chirurgie réfractive qu’en dilettante. Les années 2000 ont donc établi la chirurgie réfractive comme une spécialité à part, avec toute sa complexité et ses avancées technologiques qui obligeaient les cliniques spécialisées à sans cesse renouveler leur équipement pour se tenir à la fine pointe de la modernité.

Des techniques personnalisées

Les nouvelles techniques dites « custom » permettent maintenant d’adapter les traitements pour chaque type de cornée et d’offrir une qualité visuelle améliorée par rapport à ce que le patient connaissait auparavant. On ne se contente donc plus seulement de corriger l’erreur de réfraction, on améliore la fonction visuelle du patient en corrigeant certaines aberrations naturelles de la cornée. On peut maintenant aisément corriger des myopies jusqu’à moins 10 dioptries, des hypermétropies jusqu’à plus 3 dioptries et la plupart des astigmatismes réguliers. Les problèmes de halos en vision nocturne sont maintenant choses du passé, le traitement de plus grandes zones permet maintenant de traiter même les patients ayant de grandes pupilles, sans pour autant créer un inconfort pour le patient.

Pour les astigmatismes irréguliers tels que ceux rencontrés dans les kératocônes, on peut mixer des traitements laser avec la mise en place d’implants « Intacs » intracornéens. Il est à noter que ces techniques ne sont pas pratiquées par tous. Quant au kératocône, une nouvelle technique existe maintenant depuis environ 3 ans afin de stabiliser leur progression, il s’agit du « cross-linking ». Le principe est de réaliser une polymérisation biochimique de la cornée, pour la rendre plus rigide, et ainsi en freiner la déformation progressive qui est à l’origine de la baisse d’acuité visuelle par astigmatisme irrégulier. L’administration pendant 30 minutes d’un collyre de colorant photosensibilisant, la riboflavine (vitamine B12), permet de potentialiser les rayons ultraviolets pour créer des liens entre les fibres de collagène du stroma cornéen et augmenter ainsi leur cohésion. Cette nouvelle avancée contribue à améliorer le sort de ces patients en retardant considérablement l’éventualité d’une greffe de cornée.

Beaucoup de recherches sont actuellement en cours pour trouver une solution à la presbytie via le laser excimer. D’ici quelques années, il y aura certainement de nouvelles avenues dans ce domaine, mais actuellement rien de tel n’est offert sur le marché. La meilleure solution pour la correction de la presbytie est l’extraction du cristallin clair et la mise en place d’un implant intraoculaire diffractif de type Restor ou Tecnis ce qui permet d’obtenir une vision de près et de loin. On doit aviser le patient que sa vision intermédiaire (50-80 cm) sera légèrement compromise (autour de 6/12). La lentille Restor existe au Canada depuis maintenant plus de 7 ans et a fait ses preuves. Le taux de satisfaction est très élevé et environ 90 % des patients ne portent jamais de lunettes après une telle procédure. Le taux de complication rejoint celui d’une chirurgie réfractive conventionnelle.

Des profils psychologiques à éviter

Pour toute chirurgie réfractive, il importe tout d’abord de bien choisir son patient. Les attentes doivent être bien cernées ainsi que sa personnalité. Un individu trop perfectionniste ne sera certes pas le candidat idéal pour une chirurgie en lentille multifocale, le moindre halo ou la moindre imperfection seront interprétés comme un échec même si votre patient voit 6/6! Dans ce domaine, l’expérience du chirurgien ne se remplace pas… Il faut toujours éviter d’opérer un patient dépressif, la chirurgie deviendra sans détour le bouc émissaire de tous ses problèmes et le chirurgien en fera invariablement les frais. La chirurgie réfractive ne crée pas la dépression comme le prétendent certaines études, cependant, elle donne à certains patients l’opportunité de cristalliser tout leur mal de vivre!