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« Il faut apprendre
à apprendre,
parvenir à maîtriser le geste de l’artisan,
indéfectible
envers
leur
etc.
« C’était l’endroit idéal pour apprendre des choses qu’on
ne voit nulle part ailleurs! » affirment-ils avec fierté.
Parce qu’à l’instar de leurs camarades, ils partagent un
attachement
école. Des
camarades qui appartiennent pour la majorité aux
grandes familles de lunetiers et avec lesquels Isabelle
et Clément ont su tisser des liens serrés « même s’ils
avaient bien sûr une longueur d’avance sur nous»
puisqu’ils étaient nés dans le berceau de l’optique…
Car, a priori, rien ne prédestinait Isabelle et Clément
à devenir opticiens!
Les révélations :
entre hasard et déboire
Clément doit tout au hasard qui a placé un bureau
d’opticien sur son chemin au lieu d’une boutique de
bijoutier : « C’était au secondaire, dans le cadre d’un
stage de découverte en entreprise. Je me suis arrêté à
la première boutique, celle de l’opticien avec lequel j’ai
bavardé longuement. Il m’a accepté en stage et j’ai eu
la révélation! Cela correspondait à mes aspirations :
j’avais envie d’être en contact avec le public mais aussi
de réaliser des travaux manuels… » Désormais, il était
clair que l’adolescent, qui vit alors en Ardèche, ira
prendre plus tard la route de Morez. Aujourd’hui, il
l’affirme : « Je ne me vois pas travailler dans un autre
domaine! »
Isabelle, qui a suivi ses parents dans le sud à
Montpellier après avoir vécu en région parisienne, a
toujours pensé devenir médecin. Malheureusement,
après deux premières années en faculté de médecine,
l’université ne l’autorise pas à continuer : « J’étais
totalement
déçue et vraiment
déprimée… C’est
alors que ma mère m’a parlé de l’École de Morez et
m’a
fait remplir un dossier d’inscription alors que
je ne connaissais rien à la profession d’opticien. En
fait, je n’avais même pas envie d’y aller… Et puis,
j’appréhendais de m’y retrouver, moi qui ai toujours
vécu dans de grandes villes... » Isabelle avait tort
puisqu’elle aussi va développer une véritable passion
pour la lunetterie. Aujourd’hui,
elle l’avoue avec
sincérité : « Je remercie la faculté de médecine de ne
pas m’avoir sélectionnée! »
De l’apprentissage à la pratique
Ils savaient qu’ils ne sauraient « rien » en sortant
de l’École… et que c’est « en forgeant que l’on devient
forgeron ». Tous les deux séduits par la polyvalence de
la profession, ils demeurent attachés à la noblesse du
travail artisanal de l’opticien qui demande précision,
dextérité et débrouillardise : « Il faut apprendre à
apprendre, avoir de la patience et réfléchir sans cesse
en fonction des situations… Nous exerçons vraiment
une profession basée sur un mode transmission, car
chaque opticien peut en apprendre d’un autre sur la
base de son expérience personnelle. »
Diplômés en 1999 et mariés en 2000, Isabelle
et Clément exercent séparément dans la région de
Montpellier où ils se sont établis. Ils commencent
ainsi à engranger des expériences uniques et multiples,
dans des bureaux indépendants, mutualistes et dans
des chaînes. Et lorsqu’ils se retrouvent le soir, c’est
sur le thème de l’optique qu’ils échangent encore…
Comme l’on dit au Québec, « ils en mangent »!
Mais pour eux, ce n’est pas un problème : « Nous
avons l’avantage de partager la même passion et de
comprendre les problématiques auxquelles nous devons
faire face… » L’un et l’autre constituent une vraie team
axée sur un service de qualité et le respect du client.
« Nous sommes capables d’expliquer la beauté d’un
objet aussi essentiel qu’une paire de lunettes »,
disent-ils de concert, « peut-être parce que nous
savons reconnaître le véritable travail et que nous
pouvons expliquer au client les étapes de fabrication
de certaines montures et souvent en justifier le prix.
Les gens sont friands d’information! » Ils ne nient
d’ailleurs pas avoir une considération puriste de leur
métier dans laquelle l’attention et le temps consacrés
au client ne sont pas « négociables ».
En 2002, leur fille Emma voit le jour et le couple
semble destiné à s’enraciner dans l’Hérault. Quatre
ans plus tard, l’opticien, chez lequel travaille Isabelle
depuis plusieurs années, prend sa retraite. Pour le
jeune couple, la perspective de reprendre le bureau
est alléchante… en fait, Isabelle en rêvait. Cependant,
l’affaire ne pourra se conclure faute d’entente sur le
prix de vente. Face à cette déconvenue et puisque le
marché de l’optique dans leur région s’avère saturé,
Clément propose un départ vers d’autres horizons
plus prometteurs. S’exiler pour le nord de la France?
L’idée ne les séduit pas vraiment. C’est alors que
Clément suggère le Québec en souvenir d’un voyage
d’été effectué dans sa jeunesse. Isabelle est sceptique,
« on avait une maison, de bons salaires »… mais
accepte d’aller voir.
Le Québec, la voie de la réussite
C’est en cherchant des annonces immobilières
à Québec que Clément tombe sur des annonces
de l’opticien Richard Giguère qui possède, à ce
moment-là, de multiples succursales dans la région de
la Capitale nationale. Une adresse courriel suffira pour
établir et entretenir le contact. Isabelle et Clément
veulent faire un voyage de repérage, mais rien n’est
encore très certain. Lorsque Richard Giguère et son
épouse se rendent dans la région de Montpellier,
Clément les invite pour faire connaissance. « Le
courant est passé immédiatement! Quelques jours
plus tard, on s’est retrouvé à Paris, au Silmo et on a
passé la fin de semaine ensemble. Au-delà d’une
rencontre avec un opticien c’était une amitié qui
venait de se créer », explique Isabelle.
avoir de la
patience et
réfléchir sans cesse
en fonction des
situations…
»
Richard Giguère sera là en 2007
pour les accueillir et leur faire
visiter le Québec. Complètement
séduits par les perspectives d’une
future installation,
ils tiennent
à s’assurer que leur fillette de
cinq ans embarque dans ce projet :
« On lui a dit qu’on allait vivre
différemment, moins travailler et
passer du temps de qualité avec
elle. Ici, il y a tellement plus de
flexibilité dans les commerces.
Et Emma a dit oui! » Dans l’avion
qui ramenait la petite famille, un
rêve était en train de devenir réalité.
C’est en juillet 2009 que commence
l’aventure en Boréalie. Entre allers
et retours à Montréal pour obtenir
leur équivalence et le travail chez
Giguère, les deux jeunes opticiens
découvrent la société québécoise :
« On a senti une belle ouverture.
On s’est très bien acclimatés
et
nous avons vite créé un cercle
d’amis… On a trouvé que la vie est
plus simple qu’en France, que les
relations entre les gens sont claires et
puis, Emma s’est merveilleusement
adaptée à cette nouvelle vie. Notre
présence ici est une réussite à tous
les points de vue! »
Aujourd’hui, ils travaillent dans
la même succursale VU, une chaîne
qui appartient à l’optométriste
Éric Savard avec lequel le couple
partage des valeurs centrées sur
la qualité du service. Et demain?
Isabelle et Clément se laissent
guider par un destin qui les a si
bien servis jusqu’à présent…
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| novembre - décembre 2013
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